Du houblon chinois ? Très peu pour moi !

La Houblonnière de la Chistrée naquit lors d’un automne pluvieux et grisonnant, dans une sombre cave d’un village reculé de Wallonie, alors que nous nous retrouvions, en toute discrétion, entre hommes et femmes animés par le même amour de l’alchimie et de la chimie du vivant. Bref, on faisait de la bière (enfin du jus de malt aromatisé, tout du moins).

Mais, nous demanderez-vous, quel rapport avec le local et le solidaire ? Et bien justement, aucun ! Le choc ! Impossible, ou presque, de se procurer du houblon wallon ! Diantre ! Et pourtant, le houblon, ça pousse en Wallonie, et ça pousse même très bien. Pour nous, brasser des bières belges avec du houblon allemand, américain, ou même – tenez-vous bien – chinois, ça n’a aucun sens. L’honnête homme ne peut rester de marbre face à des insanités pareilles ; ni une ni deux – enfin, on a quand même pris le temps d’y penser – nous avons décidé qu’il fallait faire quelque chose, et nous voici lancés dans cette merveilleuse aventure que représente la culture du houblon.

Notre idée fondamentale fut donc centrée sur cet enjeu : pouvoir (re)proposer du houblon de proximité aux brasseurs belges amateurs et professionnels. Très vite, nous avons cherché à comprendre les raisons pour lesquelles la culture du houblon à quasiment disparu de nos belles contrées, et celles-ci sautèrent rapidement aux yeux : le gigantisme des productions industrielles des pays voisins exerce une telle pression sur les prix qu’il est pratiquement impossible de leur faire concurrence. Et comme pour certains, la concurrence est la seule façon valable de penser l’économie, les producteurs belges disparurent les uns après les autres. Tous ? Non, un petit village d’irréductibles houblonniers persiste encore et vaillamment dans la région de Poperinge. En Wallonie par contre, la disparition fut presque totale. Et pourtant, le houblon, il en va comme de la vigne : c’est une liane dont la durée de vie s’étend sur de nombreuses années, et ses qualités organoleptiques s’ajustent bien évidemment en fonction du terroir. Alors, pourquoi diable faire venir du houblon d’outre-Atlantique quand il ne tient qu’à nous de couvrir nos vallons et collines d’arômes délicats et floraux ou même amers et citronnés ? Le terroir, nous, on veut le boire ! Avec modération et sagesse, cela va sans dire.

Nous voulons donc participer, à notre modeste niveau, à la relocalisation de la filière du houblon en Wallonie ! Et vu notre vitesse d’expansion, encore 2341 ans 8 mois et 9 jours et une rawette d’heures pour que nous n’ayons plus besoin d’importer du houblon d’outre-Atlantique ! Autant dire qu’il reste de la place, et c’est pour cette raison que nous sommes également désireux de mettre en commun, pour les micro et macro houblonnières du coin, le matériel spécifique au houblon et à sa culture, que nous développons dans le cadre de notre projet (pour ceux qui suivent, c’est la partie solidaire). Quiconque souhaite cultiver du houblon en quantité se trouve en effet assez rapidement face à un problème de taille : passé une certaine échelle, il faut mécaniser une partie de la production, à savoir la récolte (pour laquelle il faut une trieuse, ou – vraiment – beaucoup d’amis) et le séchage des cônes, lequel doit être réalisé le plus rapidement possible après la récolte (et, surprise, il faut donc un séchoir). Qu’il nous suffise de dire que ces machines sont extrêmement coûteuses et spécifiques à la culture du houblon pour faire apparaître la difficulté. Conscients de la difficulté que cela représente pour la plupart des houblonnières wallonnes, qui sont généralement sous l’hectare, nous entendons faire sauter cette difficulté – boum ! – en mettant ces machines agricoles à disposition. Plutôt qu’une stricte logique de compétition et de concurrence, il nous semble préférable de nous entraider en mutualisant nos outils, nos techniques et nos savoirs (incroyable mais vrai, il est possible de développer des projets solidaires et économiquement viables !).  

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